Le 28 mars 1910 à 10 h du matin, dans l’anse de la Mède, un engin bizarre s’arrachant de l’étang de Berre s’éleva sur 500 m au ras des flots avant d’amerrir sans grands problèmes. Son inventeur, Henri Fabre, un ingénieur marseillais de 28 ans, recevait de pareille manière son « baptême de l’air » !
L’après-midi, il fit deux décollages devant un huissier, flanqué de gendarmes pour constater son exploit ; le lendemain, il parcourut sans coup férir la distance de six km au-dessus du plan d’eau ! Le pilote né sur les bords de la Méditerranée pensait que pour survoler cette mer il fallait des « hydro-aéroplanes » capables de partir d’un port et de surnager en cas d’incident technique.
Issu d’une vieille famille d’armateurs, ingénieur électricien de formation, il avait commencé ses recherches dès 1907. Ses expériences méthodiques l’amenèrent à concevoir pareil « monoplan à haubans et motorisation propulsive » d’une envergure de 14 m, long de 9 m. Pour le conduire, il fallait s’assoir au milieu de la poutre reliant l’aile aux stabilisateurs et aux gouvernails disposés à l’avant. Le moteur Gnome monté à l’arrière actionnait l’hélice. La grande innovation consistait dans la manière de disposer les trois « sabots » flotteurs sur lesquels reposait l’appareil.
Avec « le premier des aéroplanes marins », comme Henri Fabre se plaisait à l’écrire, l’hydraviation venait de naître ! A sa suite, d’autres pilotes tentèrent de voler au-dessus des eaux avec des appareils « terrestres » adaptés que l’on surnomma « Canards ». La conception révolutionnaire de ses flotteurs dûment reconnue, le passionné qu’était Henri Fabre, après une vie consacrée à la conquête de l’air, s’en est allé vers d’autres cieux en 1981, à l’âge respectable de 101 ans !